La Basilique Saint-Nicolas
Visitez la basilique avec un drône
L'histoire
Les églises primitives
Lorsqu’Aubert de Varangéville apporta la relique de saint Nicolas vers 1090, celle-ci fut déposée à Port dans une petite chapelle située sur la rive gauche de la Meurthe, à proximité d’un pont permettant le franchissement de la rivière.
Informés par le bouche à oreille les pèlerins affluèrent pour vénérer la sainte relique. La décision de construire une église pour l’abriter et accueillir les pèlerins fut prise en 1093 par l’abbé Henri de Gorze, prieur de Varangéville, seigneur des lieux.
Cette église qui devint rapidement trop petite fut agrandie en 1193. C’est sur le parvis de cette église que, selon la légende, le sire de Réchicourt se serait retrouvé le 6 décembre 1240 après avoir prié saint Nicolas de le libérer du fond de sa prison en Palestine où il était retenu captif et c’est aussi dans celle-ci que Jeanne d’Arc est peut-être venu prier en 1429.
De cette église qui occupait partiellement l’emplacement de l’actuelle basilique, il ne reste aucune archive ni de description. Elles ont probablement disparu pendant la guerre de Trente Ans, lors de la dévastation de la ville en 1635. Seule une illustration d’un manuscrit de 1520 suggère que cette église devait être précédée d’un massif clocher carré.
La « grande église »
Qui a pris la décision de construire, à la fin du XVe siècle, la « grande église » actuelle ? Ce n’est pas, comme on l’a longtemps soutenu, le duc de Lorraine René II qui aurait ainsi tenu à remercier le Ciel de sa victoire sur le duc de Bourgogne Charles le Téméraire en 1477, car les comptes du duché de Lorraine n’attestent aucune dépense en la matière. Cette décision a été prise par le prieur de Varangéville dont relevait le prieuré annexe de Saint-Nicolas créé pour assurer l’animation du pèlerinage. Mais elle fut mise en œuvre par Simon Moycet, un prêtre séculier né vers 1450, fils d’un riche marchand et proche de la famille ducale.
Construction : l'œuvre de Simon Moycet
Simon Moycet avait fondé avec le soutien de René II l’hôpital de la ville et son frère, également marchand et disposant d’un important patrimoine foncier, avait acquis la charge de secrétaire du duc et avait été anobli. Trésorier du prieuré depuis 1475, Simon Moycet devint en 1495, probablement sur intervention de René II, représentant du prieur pour la gestion matérielle du pèlerinage et la reprise du chantier de construction. Celui-ci, initié vers 1470-1475, avait été interrompu vers 1480, mais avec de la reprise des travaux par Moycet, c’est un projet nouveau et beaucoup plus ambitieux qui allait se concrétiser : l’actuelle basilique.
Promu en 1508 «gouverneur de l’édifice, fabrique et réédification de l’église », Moycet conserva cette fonction jusqu’à sa mort en 1520. Il semble donc avoir cumulé les fonctions de maître d’ouvrage, en tant que délégataire du prieur, et celles de maître d’œuvre (ou de gestionnaire du chantier), en tant que gouverneur de la fabrique, l’organisme chargé d’assurer le suivi et le financement de la construction. C’est lui qui notamment recruta les architectes, dont deux seulement nous sont connus avec certitude : Michel Robin, sans doute le plus brillant, entre 1506 et 1513 et Hans de Moyeuvre après 1518.
Simon Moycet contribua personnellement, et certainement de façon importante, au financement des travaux grâce à la fortune héritée de son père, mais aussi aux revenus des nombreux biens qu’il avait accumulés. A sa mort, survenue le 7 avril 1520, il fut enseveli devant un autel monumental où était exposée la relique qui, curieusement, se dressait au milieu de l’édifice. Ses restes, exhumés lors de la réfection du pavage en 1892, ont été placés dans un tombeau situé dans la 1ère chapelle latérale nord.
Gisant de Simon Moycet dans la 1ère chapelle latérale nord. Œuvre sculpturale de la fin du XIXéme siècle.
Incendie et destructions
La basilique, ouverte au culte vers 1510-1520 mais totalement achevée vers 1550 subit la plus grande épreuve de son histoire de la guerre de Trente Ans, un conflit particulièrement meurtrier et dévastateur qui ravagea une grande partie de l’Europe au XVIIe siècle. Son paroxysme en Lorraine fut la dévastation de Saint-Nicolas-de-Port, du 4 au 11 novembre 1635. La ville fut envahie par les Suédois et leurs alliés français, puis par les troupes impériales auxquelles s’étaient joints les Lorrains! En quelques jours, les habitants furent rançonnés et violentés, les maisons pillées puis détruites, la basilique profanée puis incendiée. La ville ne se releva jamais de ce désastre: une page de sa glorieuse histoire était définitivement tournée.
La restauration de la basilique, assurée avec beaucoup de difficulté par les bénédictins, durera 90 ans et ne prendra fin qu’en 1725. Mais de nombreuses œuvres d’art, des vitraux notamment, furent irrémédiablement perdues. Durant la Révolution française, les destructions concernèrent le mobilier intérieur et le trésor, mais le gros œuvre n’a pas été affecté.
Epargnée par la Grande Guerre malgré la proximité du front, la basilique fut victime d’un bombardement le 19 juin 1940 lors d’un échange d’artillerie. Les dégâts furent très importants et l’église fut fermée pour restauration pendant 10 ans. Toute trace des dégâts a disparu : le résultat des travaux effectués est qualifié de “restauration invisible”.
La basilique couverte d’une toiture provisoire en planches vers 1650 (Gravure d’Israël Sylvestre).
Aspects des dégâts dus au bombardement du 19 juin 1940.
Restauration générale
En 1983, un vaste chantier de restauration générale a pu être ouvert, grâce au legs testamentaire de Camille Croué-Friedman le plus grand chantier de restauration patrimoniale d’Europe exclusivement financé par fonds privés à l’époque.
De très importants travaux ont été menés sur le gros œuvre qui exigeait des interventions lourdes et urgentes : la stabilité des tours, notamment la tour sud menacée de péril en raison de stigmates non traités du désastre de 1635, les toitures, l’assainissement, la façade nord la plus dégradée, l’abside. La restauration des façades latérales a été marquée par la pose de nouvelles gargouilles remplaçant les anciennes détruites ou délitées et la restitution (hélas inachevée) de la balustrade à la base du grand comble.
A l’intérieur de l’édifice, les opérations ont consisté en un nettoyage complet de toutes les pierres et des voûtes, une reconstitution des parties détruites ou fortement dégradées, la réouverture de plusieurs baies murées, la pose de nouveaux vitraux et la réalisation d’études scientifiques et techniques visant à mieux connaître l’édifice (étude des vitraux, relevé photogrammétrique).
La construction
Chronologie de la construction
Les sources documentaires relatives à la construction ont disparu lors de l’incendie de 1635. Cette absence documentaire conduit à ne pouvoir émettre que des hypothèses. Une étude de 1933 avait estimé que l’église avait été construite d’est en ouest, par tranches verticales, de 1481 à 1544, et ces conclusions constamment reprises avaient fini par s’imposer. Les progrès de la recherche, notamment depuis le début du XXIe siècle, ont remis en cause les certitudes du passé et mis en évidence une chronologie de la construction bien plus complexe.
L’étude approfondie de la structure de l’édifice, des matériaux et techniques mis en œuvre, des marques lapidaires et des comparaisons stylistiques avec d’autres édifices bien documentés de la même époque, menée par le chercheur Andreas Förderer, a conduit à de nouvelles hypothèses, dont les conclusions ont été étayées par différents travaux ponctuels. La chronologie dès lors proposée s’articule en trois étapes :
1ère phase (1470-1490) : édification des parties basses extérieures du chœur et du transept. (partie bleu clair)
2e phase (1490-1520) : construction de la partie inférieure du massif occidental (façade et base des tours), de la nef, puis après démolition de l’église antérieure, du transept et du chœur (en rouge foncé, rouge, orange et jaune),
3e phase (1530-1550) : partie supérieure de la façade, notamment l’élévation des tours (en vert).
Les bulbes couverts d’ardoise qui coiffent les tours ont postérieurs. Ils datent de 1725 et ont été établis lors de la restauration consécutive à l’incendie de 1635.
Illustration extraite de la thèse de doctorat d’Andreas Förderer : “Saint-Nicolas-de-Port, eine spätgotische Wallfahrtskirche
in Lothringen”, 2007.
Contexte socio-économique
Lors de la construction de la basilique, la Lorraine connaissait un véritable âge d’or. La guerre avec la Bourgogne s’était achevée par la victoire du duc René II et le duché bénéficiait d’un essor économique et culturel sans précédent.
Parallèlement, la ville de Saint-Nicolas-de-Port, profitant de cette situation, était à l’apogée de sa prospérité. Le pèlerinage avait atteint une renommée européenne, car on accourait à St-Nicolas de partout, des différentes régions de la France actuelle, des Pays Bas, de Rhénanie, de Suisse… L’activité économique était également florissante. Cadencée par quatre foires franches annuelles, elle était dominée par des familles de riches et puissants marchands qui fréquentaient les grandes foires européennes, en particulier celle de Francfort, où la qualité du drap de laine tissé à Saint-Nicolas jouissait d’une belle réputation.
La cité était aussi devenue un important foyer culturel (c’est à Saint-Nicolas que furent imprimés les premiers livres lorrains dès 1501) et un carrefour d’idées marqué par la diffusion de la Réforme et l’implantation de plusieurs congrégations religieuses.
Peuplée de quelque 8000 habitants, la ville était devenue la capitale religieuse et le centre économique du duché de Lorraine. On disait alors que « toute l’Europe se rencontrait à Saint-Nicolas-de-Port. »
5La situation commença à s’inverser vers 1560. Les marchands convertis au protestantisme s’éloignèrent ; des épidémies se développèrent ; les circuits économiques sur lesquels s’appuyait la prospérité de la ville périclitèrent. Le coup de grâce intervint pendant la guerre de Trente Ans, avec la mise à sac de la ville. La cité ne se releva jamais de ce désastre.
L'architecture
Le style architectural de la basilique relève du style gothique tardif, dénommé gothique flamboyant en France. Ce style correspond, de la fin du XIVe siècle au début du XVIe siècle, à l’ultime étape de l’évolution de l’art gothique, si caractéristique des cathédrales du Moyen Age.
La basilique de St-Nicolas est la plus grande église de France entièrement réalisée en gothique flamboyant dans un laps de temps très court, de 1490 à 1520 pour l’essentiel de l’édifice.
La décoration reste d’une grande sobriété, caractérisée par des arcatures ou des frises aux motifs végétaux (choux, chardons, feuilles de chênes ou de houx…), accompagnés d’animaux et de petits personnages burlesques.
Plan et élévation de la basilique
La basilique, conçue aux dimensions des besoins du pèlerinage, est un vaste espace unitaire.
Son plan est fort simple : un massif occidental d’une travée, suivi d’un haut vaisseau central de 9 larges travées barlongues sensiblement irrégulières qui se termine par une abside pentagonale et qui est flanqué de bas-côtés élevés de plan carré, eux-mêmes bordés de chapelles peu profondes. Le tout s’inscrit dans un grand quadrilatère déformé, dont les côtés ne présentent pas de parties saillantes. Le plan ne laisse pas apparaître la présence du transept, lequel non débordant et de conception inhabituelle, ne se révèle qu’en élévation. De plus, les bas-côtés se terminent par une absidiole et, de ce fait, la basilique est dépourvue de déambulatoire: cette absence, fréquente en Lorraine, peut aussi s’expliquer par le peu d’espace disponible et l’histoire de la construction (reprise et intégration des éléments édifiés entre 1470-1490 dans le cadre d’un premier projet abandonné).
L’élévation ne comprend que deux niveaux : comme dans de nombreux édifices de la fin de l’époque gothique, il n’y pas de triforium. Par ailleurs, les bas-côtés sont anormalement élevés, ce qui leur permet de communiquer largement avec le vaisseau central par des arcades de grande portée. En outre, ce qui est moins fréquent, ils sont pourvus de larges fenêtres hautes percées au-dessus des chapelles latérales.
La combinaison de ces dispositions a permis de doter la basilique d’immenses fenêtres, lesquelles permettent d’inonder de lumière l’ensemble de l’édifice.
Dimensions
« Gigantesque, démesurée, hors normes…»: Tels sont les qualificatifs employés pour évoquer la taille de la basilique.
Ses dimensions sont, il est vrai, impressionnantes mais les caractéristiques architecturales et de luminosité trompent la perception du visiteur.
- Longueur extérieure : 87 m ; longueur intérieure : 78,50 m,
- Largeur extérieure (façade) : 36 m ; largeur intérieure : 31 m,
- Hauteur sous voûtes de la nef centrale : 30,25 m ; hauteur sous voûtes des bas-côtés : 16,90 m,
- Largeur de la nef centrale : 11,50 m ; largeur des bas-côtés : 7,50 m,
- Hauteur des tours : 87 et 85 m.
Plan publié dans “L’Histoire de la Lorraine” par Dom Calmet en 1728.
On remarque au centre de l’édifice, l’autel sur lequel la relique de Saint Nicolas était présentée aux pélerins ainsi que l’entrée du cloître (repère 28), aujourd’hui disparu.
L'axe brisé
L’axe de la basilique n’est pas rectiligne mais brisé. Cette anomalie frappe dès l’entrée car elle est ici importante : la nef est implantée obliquement par rapport au transept et au chœur et l’angle formé par la déviation est de 6°. Ce désaxement ne résulte pas d’un quelconque motif symbolique, ni d’une mauvaise évaluation du terrain, ni encore moins d’une inexpérience des constructeurs, bien au contraire. Il découle des contraintes auxquelles les architectes ont dû se plier. D’abord, un espace disponible limité en raison d’un environnement bâti déjà dense au moment de la construction. Ensuite, la topographie particulière d’un versant de coteau imposant à l’axe du bâtiment d’adopter le tracé des courbes de niveau afin que la construction conserve une assise géologique stable. Enfin, la présence de l’église antérieure qu’il a fallu conserver le plus longtemps possible pour ne pas interrompre les activités du pèlerinage.
La façade principale
La façade, édifiée à partir de 1495, domine un parvis étroit. Le recul manque pour l’admirer, mais c’est ainsi que la voyaient les femmes et les hommes du XVIème siècle. C’est une façade harmonique, car elle se compose d’un élément central encadré par deux tours symétriques, caractéristique des cathédrales et des églises de premier ordre.
Ces tours, de plan carré, sont épaulées de puissants contreforts qui accentuent l’effet de verticalité et montent jusqu’à 65 mètres en s’amincissant par retraites successives. Leur dernier étage, octogonal, est coiffé de gros bulbes en ardoise qui culminent à 85 et 87 mètres.
A la base de la façade la forte déclivité du terrain est soulignée par le nombre de marches à gravir pour accéder à chacun de ces portails. Le gâble du portail central s’élève jusqu’au milieu de la rosace d’un diamètre de 6 mètres et traverse une bande décorative qui représente un Christ bénissant posé sur un orbe crucigère, qui tient un livre ouvert et qui est encadré par des anges aux ailes déployées retenant des écus qui arboraient autrefois les armoiries des ducs de Lorraine. Les portails sont décorés de nombreuses niches à socles et dais fort ouvragés, destinées à abriter des statues, mais ces dernières ne semblent n’avoir jamais été installées. Seule figure au trumeau du portail central une belle statue de saint Nicolas qui semble accueillir les visiteurs. Cette statue délicatement ouvragée, réalisée vers 1525, est due au ciseau d’un sculpteur champenois de talent, mais resté inconnu (l’attribution fréquente, depuis la fin du XIXe siècle, à Claude Ligier est sans fondement).
Les vitraux
Les immenses surfaces vitrées de la basilique offraient de vastes possibilités d’action aux maîtres-verriers. Une douzaine d’ateliers différents sont intervenus pour colorer l’abondante lumière qui se déversait dans l’édifice: des ateliers lorrains connus ou inconnus, des ateliers troyens et allemands anonymes, auxquels sont venus se joindre des maîtres de renommée internationale. Malgré les destructions subies et les restaurations opérées, l’ensemble verrier de la basilique constitue l’un des plus beaux ensembles verriers européen du début du XVIe siècle, étudié en détail par l’historien de l’art Michel Hérold, l’un des meilleurs spécialistes du sujet.
Si les fenêtres hautes du vaisseau central ont été dotées de verre blanc dès l’origine, toutes les baies des bas-côtés et des chapelles latérales, mais aussi celles des quatre immenses ouvertures des bras du transept étaient, au moins en partie, garnies de vitraux colorés. Aussi, le contraste entre la lumière tamisée multicolore qui baignait les parties basses de l’édifice et la vive clarté blanche qui irradiait les hautes voûtes devait provoquer un effet saisissant, différent de celui ressenti de nos jours.
Les vitraux ont été réalisés dans un laps de temps assez court, 25 ans environ. Ils ont été offerts par les membres de la famille ducale, des nobles et bourgeois enrichis par le négoce, des marchands étrangers fréquentant les foires, des cités étrangères avec lesquelles des relations commerciales ont été tissées (Bâle et Strasbourg, par exemple), des corporations de métiers…. Aucun programme iconographique n’a été imposé aux donateurs: les portraits de saints en pied dominent et les scènes bibliques narratives, à caractère pédagogique, sont peu nombreuses. Mais dans la mise en place des vitraux, les ducs de Lorraine se sont réservé les places d’honneur.
C’est au Lyonnais Nicolas Droguet que René II a commandé en 1507-1508 la réalisation des vitraux des hautes et étroites fenêtres de l’abside, laquelle fut poursuivie par les Lorrains Georges Millereau et Jacot de Toul après le départ de Droguet en 1510. Six registres superposés représentent, sur fond de tenture damassée dans un décor architecturé, les apôtres, les pères de l’Eglise, des saints et des saintes de toutes les époques. A leur suite, au registre inférieur, et donc bien en vue, les ducs René II et Antoine sont représentés agenouillés devant une scène de l’Annonciation. Des ateliers verriers lyonnais de cette époque, c’est le plus bel ensemble subsistant avec celui de l’église de Brou.
L’atelier verrier le plus prolifique fut celui du maître-verrier alsacien Valentin Bousch. C’est d’ailleurs à Saint-Nicolas que l’artiste débuta sa carrière en 1514. Composé de nombreux apprentis, son atelier fut à l’origine de nombreux vitraux de la basilique, aujourd’hui disparus. S’il a multiplié les représentations de saints forts vénérés en son temps, Bousch est aussi à l’origine de scènes plus complexes, animées de personnages nombreux dans des décors variés, avec la mise en œuvre d’une technique apparue au début de la Renaissance: la perspective. Parmi les compositions de Bousch, on ne manquera pas d’admirer la grande scène de la Transfiguration, la belle série des scènes de la vie de la Vierge et la grande rose occidentale. Celle-ci, commandée par le duc Antoine, son épouse Renée de Bourbon et son frère le cardinal Jean de Lorraine est une composition à la gloire de la famille ducale. Autour d’un soleil à visage humain qui darde de lumineux rayons sang et or, gravitent les armoiries des prétentions héréditaires et des possessions effectives des ducs: 4 royaumes (Hongrie, Jérusalem, Sicile et Aragon) et 3 duchés (Anjou, Bar et Lorraine).
Le troisième atelier renommé ayant œuvré pour la basilique est celui de Veit Hirsvogel, maître-verrier de Nuremberg, ville avec laquelle les échanges commerciaux étaient soutenus. L’importance des réalisations de cet atelier est difficile à mesurer car de lui ne subsiste, avec certitude, qu’une œuvre réalisée vers 1515-1520 d’après des cartons d’un collaborateur de Dürer, Hans Süss de Kulmbach: une Adoration des Mages aux personnages parés de riches vêtements colorés sur un fond paysager verdoyant.
En faisant le tour de l’édifice, le visiteur ne manquera pas d’admirer, ornant les chapelles, diverses œuvres remarquables du XVIème siècle : celles d’artistes restés anonymes, comme la Vierge de l’Apocalypse, les représentations de saintes (Barbe, Catherine…) et de saints (Henri, Roch, Adrien, Honoré, Firmin…), les bustes du couple des marchands Fiacre Fériet et Jeanne Thiriet, mais encore la fameuse “grisaille des Berman”, une œuvre unique en Lorraine datée de 1544, rescapée de l’incendie de l’hôtel particulier de la plus riche et la plus influente des familles de marchands portois, les Berman.
Mais il ne faut pas omettre des réalisations du XXème siècle tels le vitrail offert par Camille Croué-Friedman en 1935 ou les panneaux de la chapelle patronale aux coloris éclatants, par lesquels l’artiste Jacques Hallez a évoqué, en 1951, des personnages liés à l’histoire et la tradition locales : Jean de Joinville, le sire de Réchicourt, Jeanne d’Arc et Simon Moycet. Hélas, le vitrail semi-figuratif de l’artiste Gérard Thon (1985), inspiré par le thème du baptême, ne peut être admiré actuellement en raison de la fermeture de la chapelle des Fonts.
Principaux vitraux de la basilique
Les influences architecturales
Du modèle de la cathédrale de Toul, terminée en 1496, proviendraient la conception générale de la façade, l’élévation à deux niveaux du vaisseau et l’absence, fréquente en Lorraine, de déambulatoire.
La partie centrale de la façade s’inspire de celle de St-Martin de Pont-à-Mousson. Le transept double est fréquent en Champagne et caractérise la cathédrale de Strasbourg, mais il s’agit de transepts de structure classique et non de transepts dont les bras résultent d’une surélévation des bas-côtés.
Les frises décoratives à arcatures trilobées et la coursière sur console qui fait le tour de l’édifice, avec passages ménagés dans les piliers engagés, sont d’inspiration champenoise.
La colonne torsadée du transept paraît avoir eu comme modèle celle de l’église St-Séverin à Paris, mais elle a été portée à St-Nicolas à une hauteur bien supérieure et sera copiée par la suite à la collégiale de Gisors, en Normandie.
Les combles et la charpente
La toiture du vaisseau de la basilique est supportée par une magnifique charpente en chêne posée entre 1660 et 1666, en remplacement de celle ravagée par l’incendie de 1635. Le bois nécessaire, prélevé près de Lunéville, a été acheminé par flottage sur la Meurthe, une activité qui fut florissante jusqu’au XIXème siècle. La charpente est constituée d’une succession de grandes fermes dont les entraits (poutres horizontales) mesurent 12 mètres de long. Les assemblages complexes sont impressionnants, notamment à la croisée du transept où 4 enrayures superposées forment une série d’étoiles à 8 branches. L’éclairage judicieusement mis en place fait du grand comble un endroit surprenant et magique qu’il convient absolument de visiter.
Les Bulbes
Les tours de la basilique sont coiffées de grands bulbes en charpente recouverts d’ardoise, hauts d’environ 13 mètres. Ils ont été réalisés en 1725 lors de la restauration consécutive à l’incendie de 1635 pour remplacer des dômes de moindres dimensions couverts de plomb. Leur forme, caractéristique de l’époque baroque, est peut-être inspirée des bulbes de l’Allemagne méridionale et d’Europe centrale. Ils sont fréquents dans la région, mais ceux de la basilique semblent en être les plus anciens. Ils confèrent à la basilique une silhouette particulière, reconnaissable entre toutes. Pour Maurice Barrès, ces deux tours ainsi casquées évoquaient « deux grognards qui semblent monter la garde aux portes du Vermois », un petit pays au sud de la cité.
Le transept
C’est sans conteste la partie la plus spectaculaire, mais aussi la plus singulière de la basilique : la conception hardie de cet espace justifierait à lui seul la visite de l’édifice.
Il s’agit en fait d’un “faux transept double” qui n’accroît pas la superficie de l’édifice : dans sa largeur, il est divisé en deux travées identiques aux autres travées de l’édifice, ses bras ne sont pas débordants et leurs extrémités sont dotés de chapelles qui s’inscrivent dans la continuité des chapelles latérales de la nef et du chœur. Ce transept a été créé par la surélévation, sur deux travées consécutives, de la voûte des bas-côtés pour la porter à la hauteur du vaisseau central. Aussi, par nécessité technique, deux très hautes colonnes libres de 21,60 mètres séparant les deux travées ont été nécessaires pour recevoir la retombée des voûtes, des colonnes qui semblent défier les lois de la pesanteur et de l’équilibre. Ce sont les plus hautes de France, déjà considérées, à juste titre comme des « merveilles de l’art »,par des architectes du roi Henri IV de passage en 1604.
C’est le manque d’espace dans une agglomération déjà dense au moment de la construction qui a conduit à une telle originalité qui est à la fois audace et prouesse architecturales : faire apparaître un transept là il n’était pas possible d’en édifier un ! Il s’agit-là d’une conception sans équivalent en Europe, unique dans l’histoire de l’art gothique.
La colonne torsadée
C’est l’une des grandes curiosités de l’édifice. Comme indiqué ci-dessus, le transept double a conduit à élancer, pour rejoindre la voûte principale, deux colonnes libres au sommet desquelles rayonnent, à la façon des palmiers, 16 nervures de voûtes.
Dans leur partie inférieure, ces colonnes sont circulaires et lisses, comme toutes les autres. Mais, dans le souci probable de leur conférer davantage de légèreté et de hardiesse, leur partie supérieure est cannelée. Les cannelures ont un tracé vertical sur la colonne nord, un tracé hélicoïdal sur la colonne sud. Aussi cette dernière est dénommée colonne torsadée, mais la torsade n’est qu’un décor, assez rare qui, placé à cette hauteur, est un exploit technique jamais tenté ailleurs, peut-être dû à l’audace de l’architecte Michel Robin.
Pourquoi cette torsade sur une seule colonne ? La raison en est ignorée, mais un constat s’impose : la partie lisse circulaire inférieure penche légèrement vers le sud sur une hauteur de plus de 12 mètres (le faux-aplomb atteint 20 cm au niveau de la bague sculptée), alors que la partie supérieure torsadée retrouve la verticalité. On peut donc penser que ce magnifique décor torsadé joue le rôle d’un génial trompe l’œil, réalisé pour dissimuler visuellement ce faux-aplomb, né probablement d’un tassement au cours de la construction : le regard est ainsi immédiatement attiré vers le haut et ne s’attarde pas sur le bas.
La chapelle des fonts
Cette chapelle située à l’extrémité de l’absidiole nord est une construction indépendante de la basilique. Jusqu’au XIXème siècle, on ne pouvait y accéder que par l’extérieur. Edifiée lors de la première phase de construction, vers 1475-1480, son usage était exclusivement paroissial : celui notamment d’y célébrer les baptêmes, car la basilique n’était pas une église paroissiale avant 1790, mais une église de pèlerinage.
Elle renferme des œuvres d’art du XVIème siècle de première importance : une cuve baptismale octogonale en pierre finement sculptée et surtout un autel monumental qui n’est autre que l’ancien autel patronal d’exposition de la relique de saint Nicolas, jadis situé au milieu de l’église : c’est une niche de la haute flèche ajourée centrale qui renfermait le reliquaire. Cet autel a été transféré dans la chapelle vers 1617 pour être remplacé par une œuvre d’un style conforme aux goûts artistiques du début du XVIIème siècle. Le retable de cet autel, finement sculpté, représente le Christ et les 12 apôtres, est dû au ciseau du plus talentueux sculpteur champenois du XVIème siècle, le fameux “Maître de Chaource” alias Jacques Bachot.
La chapelle des fonts est malheureusement fermée à la visite depuis quelques années et risque de le rester longtemps encore car un désordre dans le sous-sol a fragilisé sa structure.
Vue d’ensemble de la chapelle des fonts.
Les échoppes
Les activités de pèlerinage échappent rarement aux activités mercantiles. Pour preuve, la présence de six échoppes de marchands créées sous les chapelles du bas-côté nord du chœur en mettant à profit la déclivité du terrain. Elles s’ouvrent sur la rue des Fonts, un passage quasi obligé des pèlerins qui accédaient généralement à la basilique à partir de la rue principale située à l’arrière de l’édifice et entraient notamment par le portail latéral nord. Ces échoppes étaient louées par le prieuré. On y vendait divers objets de piété (médailles et insignes que l’on cousait à ses vêtements, dénommées «enseignes», chapelets, statuettes, cierges…) mais aussi des cornets en verre ou en métal dans lesquels, selon la croyance populaire, on soufflait pour éloigner les orages ! Au-dessus des niches, des crochets en pierre faisant saillie, dénommés corbeaux, soutenaient les auvents.
L'Orgue
Le grand orgue n’est pas situé au revers de la façade, mais curieusement placé sur une tribune suspendue en encorbellement dans une travée du transept nord, un emplacement inhabituel, mais constant depuis l’installation du premier instrument au XVIe siècle. Le buffet, aux dimensions exceptionnelles, date de 1848. La statuaire en façade représente saint Nicolas encadré à gauche, du roi David et de saint Joseph, à droite, de la Vierge et de sainte Cécile. La partie instrumentale actuelle a été inaugurée en 1994 puis ré harmonisée en 2010. Il renferme 3663 tuyaux et comporte 54 jeux, 4 claviers de 56 notes et un pédalier de 30 notes.
La bonne pierre
Le visiteur à l’œil attiré par une étrange pierre incrustée dans le dallage au milieu de la nef centrale. Cette pierre a pour nom “La bonne pierre”. Il s’agit d’une pierre reconstituée avec des fragments de marbre de l’ancien autel patronal central, probablement celui qui fut supprimé en 1790, replacée dans le pavage restauré à la suite du bombardement de 1940. Une légende lui attribue des effets surprenants : les jeunes filles qui venaient y poser le pied en invoquant saint Nicolas étaient assurées de trouver un mari dans l’année. Si la méthode pouvait fonctionner autrefois, personne aujourd’hui n’oserait en garantir le résultat !
D’où provient cette légende ? Le fait que saint Nicolas ait, autrefois, doté trois jeunes filles pauvres pour leur permettre un beau mariage, est souvent la raison avancée.
Mais une autre hypothèse mérite d’être contée : la « bonne pierre » pourrait symboliser l’endroit où, devant l’autel patronal central, s’agenouillait la princesse Louise de Vaudémont-Lorraine (1553-1601), nièce du duc Charles III, lorsqu’elle venait en pèlerinage chaque semaine à Saint-Nicolas-de-Port. C’est au retour d’un de ses déplacements hebdomadaires qu’elle fut informée d’une annonce inattendue, apportée par des émissaires d’Henri III : le roi de France souhaitait l’épouser.
Ce dernier, alors duc d’Anjou, avait été élu roi de Pologne et alors qu’il se rendait dans ce pays en 1573, il avait remarqué Louise à l’occasion de son étape à Nancy. Mais le roi Charles IX, son frère, meurt en 1574. On rappelle donc Henri pour monter sur le trône de France et comme il lui faut une épouse, il se rappelle de la jeune princesse lorraine. C’est ainsi que Louise de Vaudémont-Lorraine est devenue reine de France en épousant Henri III en 1575. Malheureusement le roi est assassiné en 1589 par le moine Jacques Clément. Le couple n’ayant pas eu d’enfant, la dynastie des Valois s’éteint pour laisser la place à celle des Bourbon avec Henri IV.
Cette charmante anecdote historique serait aussi à l’origine des paroles d’une célèbre chanson populaire : « En passant par la Lorraine ».
Le Legs Croué-Friedman
Née à Saint-Nicolas-de-Port en 1890, Camille Croué émigra aux Etats-Unis à l’âge de 16 ans où elle enseigna le français, travailla dans la haute couture et fut figurante dans des films de cinéma. En 1939, elle rencontra Arthur Friedman, un Américain qui avait fait fortune dans le pétrole et l’épousera à la fin de la guerre. Elle n’oublia jamais sa ville natale où elle fit des visites régulières, ni sa basilique à laquelle elle offrit des vitraux à deux reprises :
en 1935, pour remercier saint Nicolas d’être rescapée d’un naufrage survenu lors d’une croisière;
en 1951, pour orner la chapelle patronale restaurée.
Lors de son dernier passage en Lorraine en 1975, elle rencontra longuement Gilles Aubert, président de l’association Connaissance et Renaissance de la Basilique, pour s’informer de l’état alarmant du sanctuaire, véritable chef d’œuvre en péril.
Rentrée aux Etats-Unis, elle modifia son testament. A sa mort survenue à New York en 1980, elle laissait en legs une grande partie de sa fortune, pour que la basilique « retrouve sa beauté originelle et sa splendeur ».La presse nationale et internationale s’en fit largement l’écho : « Une pluie de dollars pour une basilique lorraine » titrait Le Monde du 16 mars 1983.
C’est ce legs, judicieusement géré par l’évêché de Nancy, la ville de Saint-Nicolas-de-Port et l’association Connaissance et renaissance de la basilique, qui a permis une restauration totale de l’édifice ente 1983 et 2005, grâce à l’opiniâtreté de l’architecte des bâtiments de France, en liaison avec la direction des affaires culturelles. Une plaque apposée sur le mur extérieur de la sacristie rappelle le don généreux de Camille Croué-Friedman, seule et bien modeste exigence de la bienfaitrice.